Je suis une belle montagne jalonnée d’obstacles, parfois infranchissable, sauvage. J’ai laissé quelques hommes m’approcher mais je ne les ai pas toujours laissés repartir.
dimanche 18 février 2018
Le bouquet
Le pissenlit a des racines terreuses
Le coquelicot a des pétales onctueuses
Et les marguerites s’étirent vers le soleil
O fleurs, O pouvoir inédit des senteurs végétales
Valse hésitante
Coule,
roule, boule, saoule, valse hésitante. Triangle, Angle, Terre, Blaise à côté de
la falaise, nuages poreux, qui bruisse, froisse, essort ses moutons en une
pluie trapue bue par le bitume fumant l’urine, la bile, la gazoline.
Des changements
Bien avant l'aube, celle des jours courts, sombres et énigmatiques,
dans une baraque, grande et triste, contigu de la route au charbon, dans un
automne froid, dans la lumière fantasque des lampes à huile, du monde est là,
debout, apprêté pour la pagaille et le désordre heureux, les travailleurs des
mines charbonnent leurs humeurs. Ils discutent l'ordre du jour, celui venu de
la ville qui vrille, porteuse de rumeurs et de malentendus.
Pleins de vaillances, dans leur guenille et leur jeunesse, ça crie et
ça chamaille...
Des bruits imprécis d'une révolution, de changements politiques,
piquent ce monde esclave qui trouve là, de quoi se mettre en route, les
habitudes se renversent, les lassitudes se dominent...
Seules, éclatent les paroles, étincelles libres des pensées
fulgurantes, brutales et neuves, d'être entendues.
La nuit encore longue, s'étire dans l'attente du jour, craint et
désiré, à la fois...
La lueur des lampes n'est pas seule à trembler, ni la seule à éclairer
les cœurs exaltés, fiers d'une colère de groupe.
Ils sont libres, nouveau dans ce sentiment, oisifs, diraient les
contre-maîtres, qui ne sont plus ici.
Yvan a quinze ans et goûte à l'air libre ces journées rouges de cœur,
par un temps bien gris.
Son père perdu au front ne donne pas de nouvelles, sa mère, vaille que
vaille, chemine silencieuse dans les travaux du quotidien, de sa basse
condition.
Lui, file à la campagne, tout heureux d'admirer, fut-ce par un sale
temps, une étendue de terres cultivées. Par monts et par vaux, il déraille dans
ses rêves, histoire de voir un soleil dans sa vie dure : Il s'imagine maître
d'un lopin où il aurait assez pour faire son pain, hors de la mine et des faces
fatiguées. Il marche loin et ferme, sans ressentir la moindre faiblesse.
D'un hameau à l'autre, il vadrouille, n'hésite point à patauger,
dégueulassement, pour atteindre une rivière, à traverser à gué, dans la
froidure mordante de l'eau filante.
Il s'arrête parfois, dans son voyage, regardant d'un naturel
promontoire, une vision : Celle d'une cohorte chaotique, vive de revenants de
guerre, grommelant, dans leur restant d'uniforme, terreux et débridé, tout en
fumant d'abondance. Cela se fait aujourd'hui, ce genre de défilé.
Dans son village, il en a vu, Yvan, des gens en départ, des décidés à
partir vers la ville, pour lui dire les choses, pleins de rages et de grands
pas.
Quoique aussi, d'autres gens, forts de suspicions ne croient qu'en
leur terroir, ceux-là, taiseux avec des yeux goguenards, muraillés de
méfiances, raillent intérieurement ces dérangés.
Ville, étrangère a tout ce qui se vit ici, citadine hautaine sans
aubaines.
Pourtant de la ville, vient une troupe d'artistes, que les temps
nouveaux, pleins d'imprévus démènent, ils filent avec ardeur leur présence
charismatiques avec des mots de Tchekhov et tout un défilé de sentiments
travaillés.
Ce n'est pas qu'ils comprennent tout, mais tout ce surprenant fascine,
la scène, les phrases lancées avec emphases et les phares de la scène, aussi
peu éclairée, soit-elle, alimentent des mirages et des ménages.
Et les paysans et les forçats de leur sort plantés là, regardent avec
des yeux ronds tout une magie circulante.
Yvan particulièrement, en pince pour une comédienne pâle, comme un
flocon d'avoine, avec une voix de rossignol et des yeux de diamants. Peut-être
qu'il exagère, où la fatigue, le soir, le changement modifient les perceptions.
Le spectacle fini, la troupe se mêle au peuple, histoire d'être
communiste communionnant. Issus d'une tranche cultivée et riche, ces gens de
théâtre ont une foi au parti, telle qu'ils sourient à tout le monde avec une
bonté au cœur et une folie en tête. Ils pourraient, faire fondre la glace de la
Volga.
Le cœur d'Ivan, lui dans sa jeunesse dure, fond également, attentif,
il a vu, qu'autant que ces gens ont des savoir-faire, des manières et du
livresque, n'empêche que Tatiana, l'actrice belle comme un rêve, a de la
poussière dans son ménage avec Ysobrov, étonnant comme ces deux-là, roucoulent
devant le rideau ouvert avec des serments fiévreux, y'a pas longtemps et que
là, dans la ripaille, ça gronde, ronchonne et grimace sans grâce .Cet
étonnement ne dure qu'un temps, dans le brouhaha du banquet, profitant
qu'Ysobrov soliloque sur l'avenir culturel, alors que la vodka, bien que non
rouge révolutionne l' esprit et les mœurs, Yvan en braise, glisse un billet
doux à sa muse, et comme il ne sait pas écrire, il a d'un bout de charbon,
dessiné un grand cœur avec un trait au milieu, symbolisant une flèche et
l'embrasement de son cœur...
Clara
Clara et Adrien se connaisse depuis longtemps, ils font partie de la même troupe de théâtre. Ils ont partagé ensemble à la fois de grands moments d’émotion et de joie mais aussi de stress, de doute. Ce soir, c’est la dernière de leur pièce, ils sont en coulisse. Ils seront sur scène dans quelques heures pour la dernière fois. Clara quitte la troupe, un rôle sûrement le plus beau de sa vie à Broadway. Adrien sent qu’il faut lui avouer son amour, il se sent maladroit, et ne sait pas comment s’y prendre. Trop tard le rideau s’ouvre.
Adrien
Adrien est
pris d'un violant malaise, il tombe inerte au sol, une forte lumière le
transverse, il est plongé dans un profond coma. Une lumière blanche très
éblouissante comme un épais
brouillard
se forme devant ses yeux quand il perçoit alors une ombre, celle d'une petite
fille. Qui est-elle ? Que veut elle lui dire ? est-elle réelle ? Ses
grands yeux mystérieux le regardent tendrement.
Il se sent
partir mais elle lui tend la main, elle lui fait comprendre que ce n'est pas
l'heure que tant de choses peuvent se passer, la petite fille commence à
danser, à chanter, à rire de plus en plus fort. Adrien se réveille. Il est à
l’hôpital Clara est là.
Quel est cet affront
Quel est cet affront qui vient foudroyer mes jambes, ma danse, ma joie
de vivre ? Je le porte là, au creux de mon ventre, il remonte le long de mon
buste, il soulève mon menton et tire ma tête vers le haut.
Elle est là, la frêle silhouette qui ne se laisse pas plier sous le
choc, qui s’érige droit comme une herbe folle que le vent ne peut rompre.
Cependant elle ne bouge pas. Son regard hypnotique immobilise l’ensemble, un
regard qui se plante là, droit dans le cœur ; qui vient fixer l’autre dans
la paralysie de la culpabilité, de la faute, du pardon. Maintien altier, profondeur
du message, des yeux électrisent, l’amour s’évapore.
L'acrobate
Ramassée sur le sol, dans son habit pailleté, les feux des projecteurs
transforment notre acrobate en une boule à facettes. La tête cachée entre les
mains, le cœur battant, elle cherche à canaliser son trac. Respiration
profonde. Ses côtes se gonflent et se dégonflent. La musique enveloppe le corps
qui se déplie avec souplesse dans une vrille élégante et légère d’un amour
primaire. Le visage lisse, détendu est radieux. Les notes ondulent sur
l’acrobate, qui dessine des lignes mélodiques dans l’espace. Les gestes sont
précis, ciselés, le regard brille. Elle pense à sa sœur, à leur enfance
heureuse quand elles tournaient sur elles-mêmes sous la lumière chaude du
soleil de Cochinchine. La douceur de l’innocence, la grandeur des premiers
âges. Les auditeurs n’existent plus, la scène n’existe plus, les mouvements
fluides se volatilisent. Seul résiste l’hologramme aux reflets bleutés.
L'audition
Diego retient son souffle, il a la gorge qui se serre, ses mains tremblent.
Il n’avait jamais assisté à une audition si pure, si parfaite, si éthérique. Il
voyait les notes se poser sur la courbe du sein de l’acrobate, ça le troublait,
il imaginait ses mains pianoter sur la peau fine et blanche de la danseuse,
parce que la performance athlétique avait complètement disparu de ses pensées,
plus d’anneaux, de trapèze, il ne voyait que la danse. La loi de l’attractivité
guida ses pas et le tira par le sternum sur la piste ronde, il interrompit sur
le champ la session, il arracha l’acrobate de son état d’extase et de don
complet. Ce fut la chute. Il se précipita vers elle. Elle se redressa sur les
genoux, le buste fier, son regard l’intima de ne pas s’approcher plus. Elle le
toisait, agressive et offensée. Lui, penaud, s’allongea à ses pieds et posa ses
deux mains le long de sa joue, comme un jeune garçon que sa maman vient de
gronder.
Quand la conscience se mêle d’amour…
- Quelle est cette peur ? N’ai pas peur si je sais tout de toi,
c’est parce que je suis toi, je suis l’enfant que tu as été, l’enfant que tu
n’auras jamais, je suis Une et suis toutes les femmes.
Chacun a la conscience qu’il
mérite, tu dois m’accepter, je ne suis que le fruit de tes actes. Il est temps
de nous rencontrer, mieux que lorsque tu daignes, en passant, me sonder sans y
croire.
On vous parle de paradis,
d’enfer, de purgatoire, tout ceci est faux, est faux parce qu’il n’y a pas de
lieux dédiés, mais , plus on avance en âge, plus un parcours difficile, une
cohabitation pénible avec soi, et moi, la conscience. Au tiers de ta vie, tu as
le choix, rester myope ou accepter de voir, de réfléchir, d’infléchir sur le
cours de ta vie.
J’ai souffert de tes histoires
minables, eu honte de tes faiblesses. Nous pourrions aujourd’hui envisager de
nous aimer, toi et moi.
-Vas-tu te réveiller ? Cette
nuit je veux te parler. Encore une Saint Valentin, cette fête dont tu dis
qu’elle est le rachat de ceux qui trompent, une fête de fleuristes et de cocus.
Une Saint Valentin en cette année où la ville fête l’Amour. Toi, tu as raté tes
histoires faute de n’y avoir rien compris.
D’abord, il faut s’aimer pour
bien aimer les autres. Et là, déjà, le bât blesse.
-
Il va me falloir t’apprivoiser pour qu’enfin tu
te supportes. T’adoucir pour dénouer les fils barbelés qui t’emprisonnent. User
de tendresse, faire attention à chaque mot, car tu traques dans chaque phrase
le mensonge caché. Ne pas être trop conciliante, tu te méfies des flatteurs, ne
pas te contraindre, tu fuis tout ce qui pourrait ressembler à une cage. Il me
faudra faire taire les peurs, les colères.
-
Tu es réveillée, tu es inquiète. Tu me parles
enfin. Argumente, bien sûr que l’Amour tu connais. La preuve est dans ce tas de
photos, d’affiches, de récompenses. L’amour tu le joues sur scène, tu l’as vécu
avec ce comédien qui est sur le cliché brandi. Trois Molière et j’ose mettre
tes mots en doute ? Tu es la meilleure lorsqu’il s’agit de sentiments, ton
art, c’est ta raison d’être.
-
Tu as lu tous les livres, connais tous les rôles
d’amoureuses, tu es sûre de ton fait.
-
Les conflits, les disputes, les conflits, c’est
la faute des autres. Je n’ai qu’à retourner dans mes limbes, m’occuper de ce
qui me regarde. Elle ne m’a pas sonnée.
-
La violence de ses gestes quand elle jette les
clichés, le nom de cet homme qu’elle est incapable de prononcer…elle vacille,
s’effondre. Il me faudra trouver un autre moment, une autre scène, d’autres
dialogues…Là, elle a baissé le rideau, s’est échappée, s’est rendormie pour ne
pas se questionner.
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